ASSISES D'AIX

Supplice de William : cinq accusés singuliers pour "un sadisme de groupe"

Publié le lundi 06 septembre 2010 à 07H48

 

Réquisitoire prévu mercredi au procès du martyre de William Modolo

Me Jean-Claude Valéra, les parents de William, Joseph et Roselyne, et M e Monique Touitou (de gauche à droite)  comptent les heures avant l'énoncé du verdict. Peut-être jeudi soir.

Me Jean-Claude Valéra, les parents de William, Joseph et Roselyne, et M e Monique Touitou (de gauche à droite) comptent les heures avant l'énoncé du verdict. Peut-être jeudi soir.

Photo Serge Mercier

 

 

"J'étais perdue, incapable de réagir", dit l'une. "Si je m'opposais, j'aurais été le suivant", suggère un autre. Peur d'une surenchère de la violence, soumission au chef, état de sidération face aux tortures? les accusés ont, tout au long des cinq premières audiences, avancé des explications à leur participation au supplice de William Modolo, torturé et tué à coups de pierre en mai 2006 par une équipe de zonards campant à Aix-en-Provence.

À les entendre, ils n'ont rien pu faire. Mais, devant les jurés de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, un schéma différent s'est dessiné lors de cette première semaine de procès. William semble bien avoir été le souffre-douleur de ces marginaux qui en ont fait l'objet de ce que l'expert psychiatre Daniel Glezer a nommé leur "sadisme de groupe".

Personne d'autre que lui n'a été frappé, mis à part les "embrouilles de pochetrons". William les aimait ces "nouveaux copains", rencontrés en février 2006 alors qu'ils faisaient la manche et tournaient avec des chiens autour du lycée de l'Étoile, à Gardanne. Surtout Aurélie Piteux dont il avait le béguin et qu'il comptait bien arracher à Jean-Pierre Planqueel, "JP", le leader, le soi-disant légionnaire, baroudeur au Kosovo, saoul du matin au soir et du soir au matin.

Obèse, mal dans sa peau, William Modolo rassurait sa soeur Sandrine, inquiète de voir son frère, "un gros bébé de 20ans, une pâte", fréquenter "ces clodos". "Ils sont gentils, t'inquiète pas", lançait-il à sa mère. Le jeune homme n'allait pas bien. "Il avait besoin d'une chérie", raconte Roselyne Modolo. Toutes les filles ne le voulaient que comme copain, pas comme petit ami. Il se scarifiait les bras. Quelques années plus tôt, il avait barbouillé sur les murs de sa chambre : "Je suis une grosse merde, j'en ai marre de la vie."

A-t-il été un élément de plus agrégé à ce groupe, étrangement composé de routards paumés et de jeunes gens bien insérés ? Ou bien, dès le départ, leur proie ? Au père de William, "JP" avait lancé : "On va l'aider à se dégrossir." Au camp, il a peu à peu apporté son écran plat, ses CD et le tout petit salaire d'un récent contrat d'intérim.

Quinze jours avant sa mort, sa mère s'inquiète d'un cocard à l'oeil. William explique qu'il a "défendu Aurélie contre des marioles". Mais il est vite devenu "le petit esclave", attaché à un arbre, nourri avec ce qu'il pouvait attraper de ce qu'on lui lançait, cantonné à son clic clac. Des zonards de passage l'ont tapé, comme on donne un coup de pied dans une souche.

Et le soir des faits, lorsque la vie de William ne tenait plus qu'à un fil, aucun n'a fait le choix d'appeler les pompiers ou de l'emmener à l'hôpital comme ils l'avaient pourtant fait quelques jours plus tôt lorsque Lucien Boursier avait eu le nez cassé. L'avocat général, Roland Mahy, a annoncé des "réquisitions sévères" pour ce groupe dont certains avouent les atrocités - coups de tournevis, brûlures, arrachage de quinze dents à vif - et d'autres reconnaissent les tortures morales, les humiliations.

Avant le réquisitoire - vraisemblablement mercredi -, la cour d'assises va procéder à l'examen de la personnalité de Jean-Pierre Planqueel, Aurélie Piteux et Franck Julien. À l'issue des plaidoiries de la défense, le verdict pourrait tomber jeudi soir. Un verdict dont Sandrine Modolo attend qu'il "n'humilie pas William une seconde fois". Pour sa mère Roselyne, "le pardon, il n'y en aura jamais. On survit à entendre les hurlements, les cris, à entendre William me dire : Viens m'aider !"

 

Luc LEROUX (lleroux@laprovence-presse.fr)

 
 

police municipale d'aix en provence