L'actualité nous pousse à publier sur le site, dès aujourd'hui, le thème du prochain dossier central du journal, qui sera dans les kiosques à partir du jeudi 16 décembre. Le dossier sera bien évidemment beaucoup plus complet, et vous pourrez commander ce numéro en pdf dès mercredi soir, sur le site.
Avez-vous déjà entendu parler de la loi dite LOPPSI 2 ? Le «vulgum
pecus », entendez les ignorants, la masse, le commun des mortels comme se
plaisent à nous qualifier les occupants des salons feutrés de l’Élysée et du
Medef, ignore de quoi il s’agit. Cet acronyme signifie LOi de
Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure.
Maintes fois annoncée depuis trois ans, cette loi était devenue l’Arlésienne.
Le virage sécuritaire, xénophobe et liberticide de la politique sarkozienne,
marqué par le discours du chef de l’Etat à Grenoble le 30 juillet dernier,
prend une forme beaucoup plus concrète, puisque cette loi a été votée par le
parlement (février 2010), puis encore « durcie » avec de nombreux amendements
stupéfiants (à chaque fait divers, un amendement), votée par les sénateurs en
pleine réforme sur les retraites (1), et s’apprête à revenir au Parlement en
deuxième lecture, du 14 au 21
décembre prochain, pour être définitivement adoptée.
Alors regardons d’un peu plus près ce que contient cette loi « fourre-tout », complexe, qui commence à soulever l’indignation de nombreuses associations, du DAL (Droit Au Logement) à la LDH (Ligue des Droits de l’Homme) en passant par le Syndicat de la Magistrature ! Que trouve-t-on dans la Loppsi 2 ?
A peu près tout : des pouvoirs élargis pour les policiers municipaux, dont les directeurs auront désormais le statut d'agent de police judiciaire, la possibilité de créer des milices policières baptisées « réserves civiles », l'instauration d'un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans, le durcissement des peines pour toute une série de délits (cambriolages, violences contre des personnes âgées), la généralisation de la vidéosurveillance, l'alourdissement des peines pour usurpation d'identité sur internet, le blocage de sites web illicites sans intervention d'un juge (un véritable outil de censure), le renforcement du fichage policier et l’interconnexion de ces fichiers (recoupement), etc.
« pouvoirs élargis pour les policiers municipaux, création de milices policières baptisées « réserves civiles », instauration d'un couvre-feu pour les mineurs de moins de 13 ans, durcissement des peines pour toute une série de délits… »
Le texte comprend également de nouvelles dispositions liées directement aux
événements de cet été. Comment accélérer le traitement des dossiers des
étrangers en situation irrégulière ? En ayant recours à la « vidéoconférence
en centre de rétention. Il s'agit de décharger les policiers des escortes vers
le tribunal. Le sort des étrangers en rétention sera donc réglé hors la
présence physique d'un magistrat » indique Le Monde. Mais en y regardant de
près, cette mesure s’appliquera potentiellement à tous les prévenus en
audience correctionnelle… Cet amendement a donc été justifié par le xénophobe
Brice Hortefeux (qui, rappelons le, a été condamné par la justice pour
« injure raciale ») en expliquant qu’il fallait absolument pouvoir raccourcir
les procédures. Mais cette volonté de « raccourcir les procédures » n’est
pas nouvelle. Déjà en 2004, lors de l’adoption de la loi pour la confiance
dans l’économie numérique, plusieurs députés avaient évoqué l’idée d’utiliser
la vidéoconférence pour « alléger » les tribunaux. Pour ceux qui en doutaient
encore, les choses sont maintenant extrêmement claires : l’indépendance de la
justice est visée. On taille dans les budgets, on orchestre machiavéliquement
le mauvais fonctionnement de la justice pour avoir les coudées franches,
liquider les juges d’instruction et rendre les Procureurs maîtres des
procédures. Un procureur est aux ordres, un juges est beaucoup plus
difficilement contrôlable…
« On taille dans les budgets, on orchestre machiavéliquement le mauvais fonctionnement de la justice pour avoir les coudées franches, liquider les juges d’instruction et rendre les Procureurs maîtres des procédures »
Comment mieux protéger les forces de l'ordre après le décès d'une policière
municipale en mai 2010 (Hortefeux avait ressorti son « taser » pour
l'occasion) et les événements de Grenoble du mois de juillet ? En incluant
dans le texte « la déchéance de nationalité et le renforcement des peines
prévues pour les auteurs de crimes contre les dépositaires de l'autorité
publique », dixit Lexpress.fr. Là encore la même méthode est appliquée : on
utilise un fait divers pour justifier l’inqualifiable. Le très distingué Brice
utilise encore l’exemple de délinquants « étrangers » pour apporter
sournoisement un amendement à la loi, qui durcit considérablement les peines
encourues pour tous les citoyens qui oseront se rebeller contre un
« dépositaire de l’autorité publique ». Je vous invite à lire avec attention
l’analyse des principales dispositions de la Loppsi 2. Au même titre que les
futurs « miliciens », les policiers municipaux vont devenir, aux yeux de la
loi, des dépositaires de l’autorité publique. Ils pourront retenir votre
permis de conduire, voire même vous emmener de force dans un hôpital pour que
vous soyez soumis à des examens médicaux, sans que vous ayez la possibilité de
vous y opposer.
L'article 23 permettra d'installer des « mouchards » au sein même des ordinateurs. La mesure prévoit que ces « écoutes » informatiques seront rigoureusement encadrées par les juges d'instruction, mais ces précautions ne rassurent pas les sceptiques et pour cause, puisque le gouvernement prévoit justement la suppression du juge d'instruction, ce qui donnera au Procureur de la République seul, le pouvoir d'encadrer ces dispositifs! Pour ceux qui ne sont pas familier avec l’informatique, en clair, grâce à Loppsi 2, un flic pourra bientôt fouiller toutes les données présentes sur votre PC. Toutes. Il pourra lire vos frappes clavier, activer le micro et la webcam pour pouvoir vous écouter et vous regarder, tout cela sans qu’aucun juge n’ait été informé…
Un autre article commence également à faire réagir beaucoup de monde sur
internet : l’article 32 ter A de la LOPPSI 2, qui sous prétexte de lutter
contre les campement irréguliers de roms et autres exclus du logement, bafoue
les principes de la protection par le juge du domicile, des biens, de la vie
familiale et privée, et donne un pouvoir arbitraire et disproportionné au
Préfet : en effet, la procédure d’expulsion en vigueur actuellement sur les
logements de fortune, nécessite une décision du juge, elle protège d’une
expulsion en hiver, elle permet d’être pris en compte dans des dispositifs de
relogement voire d’hébergement, elle doit respecter des délais et des actes de
procédure délivrés par un huissier, elle prévoit la protection des biens des
personnes expulsées ....
« ROMs, gens du voyage, habitants de bidonvilles, de cabanes, de maisons sans permis de construire, de camionnettes et de toutes formes d’habitats légers, mobiles et éphémères, tous sont visés... »
C’est une mesure arbitraire, car elle est justifiée par « un risque grave d’atteinte à la salubrité, à la sécurité, à la tranquillité publiques », notions extensibles et floues, qui laissent la place à toutes les interprétations. Elle vise toute personne qui aura décidé en réunion (2 personnes et plus), de s’installer sur un terrain quel que soit le propriétaire, et la nature de la relation entre le propriétaire du terrain et les habitants. Même si un des habitants est le propriétaire du terrain, ou si l’utilisation du terrain est contractualisée avec les occupants, ou si simplement le propriétaire n’est pas opposé à cette installation, le Préfet peut employer cette procédure d’exception dans un délai de 48h.
L’article prévoit une sanction financière pour ceux qui ne s’exécuteraient pas
assez vite, ainsi que la destruction de l’habitation et des biens qu’elle
renferme, sur procédure accélérée. La destruction au bulldozer et le vol des
biens d’autrui seront ainsi légalisés. Cette disposition ouvre la voie à une
atteinte au droit de propriété. Cette loi, viendrait faciliter la destruction
autoritaire des constructions dite « illicites », et la réalisation de la «
lutte anti-cabanisation » lancée notamment par le Préfet des Pyrénées
Orientales depuis 2007.
Cette disposition vise et accable les personnes les plus gravement touchées par la crise du logement. A l’opposé des politiques conduites il y a 50 ans, elle répond à la recrudescence des bidonvilles et des formes les plus aigües de mal-logement par la répression et par une procédure d’expulsion expéditive. Alors que le Gouvernement prétend mettre en œuvre le droit au logement, il n’est prévu ni relogement ni hébergement pour les expulsés. Ils doivent quitter les lieux et se rendre « invisibles ».
Alors que peut-on faire ? Pas grand-chose ! L’assemblée est très
majoritairement UMP et ce texte sera voté. Contacter nos députés lotois ne
servira pas à grand-chose, ils voteront contre. Le seul moyen d’agir qu’il
nous reste réside dans la diffusion de l’information. Vous trouverez ci-après
l’appel du Syndicat de la Magistrature, au nom du Collectif Liberté Egalité
Justice. Informez les gens autour de vous, le plus possible, y compris les
gens qui votent régulièrement pour l’UMP et ne sont pas pour autant des
fascistes. Vous trouverez sur le site du Lot en Action tous les liens qui vous
permettront de relayer ces informations par mail. Achetez le journal, version
papier ou en pdf, et faites tourner l'info. Des manifestations sont prévues,
notamment à Toulouse, le samedi 18 décembre (13h30 à St Cyprien) mais
concernent uniquement, pour le moment, le fameux article 32ter, démontrant que
l’information n’est pas encore passée. N
« Informez les gens autour de vous, le plus possible, y compris les gens qui votent régulièrement pour l’UMP et ne sont pas pour autant des fascistes… »
Nous publions également à nouveau, ci-après, le texte de la « Dictature
constitutionnelle en douze étapes ». Malheureusement nous franchissons
inexorablement les étapes. Jamais la France n’a connu un tel recul de la
démocratie. En plus du rouleau compresseur libéral, qui lamine véritablement
les citoyens les plus démunis (et maintenant la classe moyenne), la dérive
sécuritaire devient clairement une dérive fascisante. Cette loi va permettre à
ce gouvernement de taper très fort et d’avoir les moyens de mettre en place
une véritable dictature, puisque chaque citoyen sera à la merci du moindre
« dépositaire de l’autorité de l’Etat ». Bientôt il ne fera pas bon regarder
un policier municipal trop fixement dans les yeux. Bientôt il sera bien
difficile de se sortir de l’engrenage infernal de la justice si vous avez
maille à partir avec un milicien, simple quidam, qui vous en voudra pour une
histoire de voisinage, de voiture mal garée ou encore parce que sa femme (ou
son mari) vous trouve « sympa ». Bientôt il sera trop facile de réduire au
silence tel site internet, tel journal d’opinion ou tel journaliste trop
indépendant…
Nous allons rapidement entendre les ténors de l’UMP monter au créneau devant
l’inquiétude grandissante des citoyens. Ils vont tenter de justifier ces
dérives inqualifiables en parlant de sécurité, en jetant l’opprobre sur les
étrangers, sur les mineurs délinquants, sur les récidivistes de crimes
sexuels. Ils vont fustiger les femmes et les hommes politiques, qui ne vont
pas tarder protester haut et fort pour surfer sur la colère du peuple
(pourquoi ne l’ont-ils pas fait avec plus de force depuis le mois de février,
date du premier vote de la Loppsi à l’assemblée ?), les accusant d’être des
démagos gauchisants. Ils vont tenter de rassurer en mettant en avant leur
bonne foi, leur volonté de trouver des solutions pour remédier aux peurs
qu’ils distillent eux-mêmes (avec l’aide des Pujadas, Claire Chazal et de tous
ces larbins devenus des lécheurs de bottes) auprès des personnes âgées et des
plus fragiles. Mais la loi sera votée. La loi sera mise en application. Et je
ne suis pas si sûr qu’une alternance en 2012, si tant est qu’elle ait lieu,
change grand-chose à la situation.
Avec la Loppsi 2 deux nous franchissons donc une étape vers l’épreuve de force. Et à moins de vouloir en découdre en prônant l’insurrection, ce qui serait totalement irréaliste, criminel et probablement inefficace, il ne nous reste plus qu’une seule solution : les faire plier en menaçant directement l’économie libérale. L’opération du 7 décembre dernier, « Sus aux banques », en est une, à condition qu’elle se reproduise de façon plus soutenue et coordonnée. Changer nos comportements de consommation en est une autre. Si nous réduisons notre consommation massivement, en limitant nos achats au strict minimum, en désertant les grandes-surfaces et en achetant « local », c’est l’économie mondiale qui se trouverait bouleversée.
(1) La majorité sénatoriale s'est rebiffée, d'abord par des déclarations de ses leaders, dont le président du Sénat Gérard Larcher demandant de « faire attention » ou le président centriste de la commission des Finances, Jean Arthuis, s'alarmant d'une « surenchère sécuritaire ». Puis, par un rejet retentissant en commission des Lois des amendements du gouvernement les plus emblématiques. Une pression terrible a alors été exercée par l’UMP sur les sénateurs, qui ont fini par voter le texte (certains amendements ayant été a peine « édulcorés ») à une large majorité par 177 voix contre 153. Le résultat de ce vote est révélateur car c'est certainement un des résultats les plus larges obtenu depuis le début du quinquennat...